A propos, savez vous que bistro est la déformation d'un mot russe qui signifie "
vite" En 1814, après la défaite de Napoléon 1er,
Paris était occupé par les Russes et les cosaques pour être rapidement servis
dans les cafés disaient : "bistro".
C'est tout de suite après la Grande Guerre, entre 1920 et 1939 qu'il y eut le
plus grand nombre de cafés à Autrêches. A cette époque de nombreux manoeuvres
travaillaient à la reconstruction des bâtiments et au nivellement des terrains
qui avaient été bouleversés par les ouvrages militaires (abris ou cagnas, soutes
à munitions, tranchées ..etc..) ou par les cratères d'obus de tous calibres .
C'étaient des gens du pays ou bien amenés par des entreprises .
Le travail de reboucheur d'abris était particulièrement dur. Il fallait en faire
le plus possible dans la journée . Un jour, à la fin du repas de midi, un chef
d'équipe constate l'absence de deux "boucheurs" . On va aussitôt déboucher la
dernière cagna dans laquelle on trouve nos deux gars . Les autres qui
travaillaient près de la sortie avaient tout bouché en oubliant ceux du fond !
Il était temps . Il n'avaient plus d'acétylène et commençaient à suffoquer après
3 heures dans le noir. Ernest était l'un deux et il apprécia beaucoup la chopine
prise au bistro
Il y avait un café hôtel restaurant dans chaque village. On voit encore celui d'Autrêches
2 Place de l'Église, celui de Chevillecourt 26 rue du Point du Jour et celui d'Hautebraye
au carrefour 1 rue St Victor.
Mais d'autres étaient installés dans des maisons plus petites ou dans des
constructions provisoires, les baraques Adrian. Tout de suite après la guerre
elles permettaient de reloger rapidement la population . On en voit encore
quelques unes dans le village mais à cette époque elles couvraient toutes les
régions où on s'était battu .
Il y eut donc des débits de boissons aux adresses suivantes :
- 7 rue du Beaumontoir,
- Entre les 5 et 7 rue de la Horse,
- 1 rue des
Champs,
- 22 rue du Point du Jour,
- 2 rue de Ponfare,
- 6 rue du Point du Jour,
- 32 rue du Point du Jour,
- 7 rue des Marais.
Au fil des ans ces 11 cafés furent tenus par 37 personnes différentes. Pour
certaines il s'agissait d'un travail à plein temps pour les autres le débit
était tenu par la femme que l'homme aidait le soir après le travail ; le ménage
avait ainsi un appoint de revenus appréciable, du moins quand les affaires
marchaient.
Souvent on y vendait de la charcuterie, de l'épicerie, des boissons en
bouteille, du tabac, même du poisson . Certains exerçaient en même temps une
autre activité : charron, maréchal, coiffeur...
Les consommations étaient peu variées : la chopine de rouge, parfois la canette
de bière, souvent café et pousse-café, rarement l'apéritif. Les trois principaux
faisaient restaurant et dans les autres il arrivait que la patronne prépare un
repas simple ou fasse réchauffer les gamelles.
Pour ouvrir un débit de boisson il faut une licence. Certains ne pouvaient
vendre que du vin en bouteille à emporter. Un patron, surnommé "la puce qui
r'nifle", servait les assoiffés par un trou fait par un obus dans le mur.
Le tabac se fume, se chique ou se prise . Pendant la guerre le tabac à priser
n'étant pas contingenté certains s'y sont mis même des femmes ; aujourd'hui
c'est plutôt rare !
Quand on avait épuisé les ratons on fumait du tabac de jardin ; beaucoup en
avaient un petit carré et discutaient des mérites comparés des
différentes espèces . La chique avait ses amateurs : c'est plus vite en bouche,
c'est économique et ça dure plus longtemps, pas besoin de feu, on ne risque ni
incendie ni explosion ! Seul inconvénient : pour la propreté il faut avoir un
crachoir à distance de jet !
Eugène dit "L'agache", car il était très bavard, maître-charretier de son état
avait l'habitude de placer sa chique "en cours de consommation " dans le revers
de sa casquette . On dît qu'un jour où il était en manque, il a chiqué sa
coiffure !
Les divertissements étaient rares . Le soir ou le dimanche on jouait à la
manille coinchée ou non. La T.S.F. n'arriva dans les campagnes vers 1934 ; on
eut alors de la musique, des pièces de théâtre, des variétés, des chansonniers.
Dans le café sur la place de l'Église Il y avait un billard.
Le dimanche on "guinchait" au son d'un piano mécanique. Pendant la période de
reconstruction, il y eut même un groupe musical formé par les ouvriers.
Évidemment, certains abusaient de la
boisson et sombraient dans l'alcoolisme (et dans le fossé où on les retrouvait
couverts de rosée le lendemain matin) ; mais les lois contre l'ivresse étaient
affichées et les patrons sérieux veillaient à ce qu'il n'y ait ni abus ni
scandale.
Par contre, pour la plupart, le café
était un lieu de détente et d'amitié et les isolés appréciaient son ambiance
chaude et familiale. Il est dommage que dans nos campagnes, ils disparaissent
les uns après les autres. Dans certains villages les municipalités essaient de
les maintenir en leur donnant quelques avantages.
Pour faire un village, il faut bien
sûr des habitants et des enfants, une mairie, une Église, une boulangerie,
une épicerie, une charcuterie, une poste et au moins un bistrot accueillant.
Chacun pourra donner la priorité qu'il veut à ces différents éléments.