Trois
calvaires subsistent à Autrêches ; leur nombre était jadis deux à trois fois
supérieur mais la Révolution les a presque tous fait disparaître. Beaucoup,
reconstruits ou érigés au XIXe siècle, ont été détruits par la Première Guerre
Mondiale. L’absence d’entretien dû au manque d’intérêt des municipalités envers
ces monuments les condamne à une fin prochaine. Dans la région, l’immense
majorité des croix est l’œuvre de tailleurs de pierre locaux ; les dimensions et
les modèles sont très proches les uns des autres. Leur orientation ne respecte
que rarement la tradition qui veut que Jésus Christ regarde vers l’Ouest. Les
croix forment un repère : elles saluent celui qui arrive au village. Autrefois,
chaque voie d’accès en comportait une à la limite des maisons.
Elles
peuvent aussi constituer des limites entre hameaux, comme le calvaire de la
Folie. Leur emplacement est souvent extrêmement ancien mais sauf rares
exceptions, ils sont postérieurs à la Révolution. Le socle de pierre est
généralement plus ancien que la croix, souvent détruite et remplacée par une
croix de fer ou de bois. Les croix de bois sont toujours récentes. Le socle
subsiste car il s’agit d’une borne sacrée dont l’emplacement fixé à l’origine
est immuable ; déplacer une croix est sacrilège ! Reconstruction complète de
l’Entre Deux Guerres, le Calvaire de la Folie unit en un seul bloc son socle et
sa croix. Une croix ne se place jamais au hasard. Son érection obéit toujours à
un motif précis. Ce qui donne son caractère, ce n’est pas seulement sa forme,
c’est son accord profond avec le lieu, la végétation, le paysage. Les
processions ont disparu dès avant la Première Guerre. La dernière avait lieu à
l’Ascension, de l’église au calvaire de la Folie.
A
la sortie de Chevillecourt, en direction d’Autrêches, se dresse une croix de
mission. Au début du siècle dernier, toujours dans l’inquiétude de la faible
piété de la région, l’Eglise encourage la conversion des esprits en élevant des
croix de bois comme celle-ci. Dans ce contexte missionnaire, un beau jour de
l’année 1912, le clergé local et ses ouailles portent en grande pompe une croix
depuis l’église et l’érigent ici sur un catafalque noir. Deux ans après, elle se
trouve au milieu des combats et n’y résiste pas. En 1938, à la suite d’un pari,
un habitant éméché entreprend de l’abattre à coups de hache ! Monsieur
Quatrevaux, le charron, répare les dommages. Au début des années 1980, un groupe
de fidèles se charge de la restaurer ; le travail est confié à monsieur Briet,
ébéniste à Hautebraye. A l’occasion, on trouve au pied de la croix la liste des
fervents qui s’étaient cotisés en 1912 ainsi que des ossements. S’agit-il d’une
partie des insignes reliques de saint François de la Salle qui se trouvaient
dans une chasse de l’église avant la Grande Guerre ou bien celles du saint
patron d’Autrêches ? Nul ne le sait !
Aujourd’hui, même si la dévotion
publique paraît éteinte, les croix entrent dans notre patrimoine commun. Elles
appartiennent à tous, croyants ou incroyants.