UNE VÉRITABLE RÉSURRECTION : LE
LUTRIN D'AUTRECHES
Ceux
qui reconstruisirent l'église d'AUTRECHES, avec le soin et la fidélité que l'on
sait, prirent la précaution de rassembler divers morceaux de bois sculptés épars
dans les ruines.
Ces morceaux de bois qui provenaient du lutrin (sorte de pupitre sur lequel
étaient posés les livres de chants notamment) furent mis dans la crypte où ils
se décomposaient lentement.
Voici quelques détails concernant le contexte de son sauvetage dans les
années 1972-74 :
Comme il est dit dans l'article, les morceaux de lutrin pourrissaient lentement
dans la crypte dans l'indifférence générale...
Un beau jour, un antiquaire à l'oeil sûr et bien exercé remarqua ces pitoyables
bouts de bois en voie de décomposition avancée et proposa une somme d'argent au
curé pour se l'approprier.
Le brave curé surpris que cela puisse susciter la convoitise vint me faire part
de cette proposition qui lui paraissait aussi généreuse qu'étrange.
Je le convainquis de me substituer à l'antiquaire. Il accepta, je lui donnais
donc la somme d'argent que lui avait proposée l'antiquaire et pris les bouts de
bois....
A vrai dire, je n'avais pas d'idée très définie à ce moment. Il s'agissait en
premier lieu d'éviter que le lutrin ne quitte définitivement Autrêches.
Petit à petit, une solution apparut dans mon esprit avec l'aide d'une amie
restauratrice attitrée du Louvre qui avait été conquise par la beauté des restes
du lutrin. Nous avons alors agit en 2 étapes
1) il fallait d'abord
sauver "l'épave"
Aussi, le lutrin fut-il amené à Grenoble où il fut confié au laboratoire
Nucléart du CEA qui venait juste d'être créé. Ce laboratoire mobilise les
techniques les + modernes pour sauver les pirogues néolithiques, les chaussures
médiévales et tous les vestiges de bois, de cuir ou de vannerie, gorgés d'eau ou
vermoulus.
Le laboratoire fit merveille et je récupérais un bois parfaitement traité en
utilisant certaines propriétés des rayons gamma . Émis à partir d'une source de
cobalt60, ce rayonnement peut traverser de fortes épaisseurs de matériau,
détruisant au passage les cellules des ravageurs du bois (insectes ou
micro-organismes) et durcissant certaines résines consolidatrices sans induire
pour autant de radioactivité rémanente.
2)après l'appel aux scientifiques, il fallait ensuite faire appel aux artistes.
Le lutin (toujours en morceaux) quitta alors Grenoble pour aller dans le Perche
dans l'atelier d'un restaurateur agréé par le Louvre.
Celui-ci aussi fit merveille.
Quelques mois après, le travail était terminé et je suis allé le reprendre pour
le ramener à Autrêches.
Il trouva place chez moi , puis au bout de quelque temps,sans tambour ni
trompette, je pris la décision de le ramener à l'église en toute discrétion.
Il nous est maintenant possible d'admirer dans son cadre cette somptueuse
sculpture du XVIIème siècle, certes encore très mutilée mais si vibrante de
facture, qui s'impose par sa puissance et sa force comme une oeuvre admirable.
Elle se compare avantageusement avec les seuls lutrins de cette époque encore
visibles dans notre région.